Posted in

Moins de sucre, plus de goût!

Posted in

Dans l’assiette comme dans le verre, l’érable a toujours été synonyme de sucre. Une vingtaine de producteurs d’alcool du Québec tentent de briser cette idée préconçue. Ils élaborent des boissons originales, rafraîchissantes et sans sucre avec ce produit typique de chez nous.

KARYNE DUPLESSIS PICHÉ
COLLABORATION SPÉCIALE
SAINT-JOACHIM-DE-SHEFFORD — Derrière le grand évaporateur argenté qui s’active pendant les sucres, une porte mène au lieu de production des boissons de la ferme Jocka. Dans le chai, les cuves d’acier inoxydable et les fûts de chêne s’apparentent au lieu de production du vin. Pourtant, ce n’est pas le raisin qui fermente, mais l’érable.

La productrice Alicia Goodhue plonge sa pipette dans une barrique. Le liquide doré qu’elle en tire exprime des notes de vanille et d’érable. Le volume et la texture en bouche s’apparentent à ceux d’un vin avec ses 13 % d’alcool. L’attaque est remplie d’arômes, mais pas de sucre.

« J’ai goûté toutes les boissons à l’érable qui se faisaient au Québec avant de commencer, explique Alicia Goodhue, qui dirige la ferme Jocka depuis 2016. Je me suis dit que je voulais créer un produit qui ne soit ni fade ni sucré. »

Cette boisson d’érable élevée en fût de chêne n’est pas encore commercialisée. Elle sera le troisième alcool de la jeune entreprise, après une boisson sans élevage en fût, nommée Erro, ainsi qu’un pétillant à base d’érable aromatisé au houblon et au sapin baumier.

DÉFI RÉALISÉ

Dans la région de Lac-Mégantic, Stéphanie Viger élabore elle aussi des boissons d’érable. La femme d’affaires cherchait un moyen de démontrer que le terroir influence le goût du sirop, comme c’est le cas pour le vin. « J’ai rapidement réalisé que je ne serais pas capable de mettre en valeur mon terroir en faisant des cornets ou de la tire d’érable, explique la propriétaire du Domaine des Coulées. J’ai eu l’idée d’en faire un alcool. »

Comme Alicia Goodhue, Stéphanie Viger ne voulait ni produire une liqueur d’érable sucrée ni aromatiser un autre alcool avec l’érable. Elle souhaitait offrir un produit sec, similaire au vin. Or, l’alcool d’érable est beaucoup plus complexe à élaborer qu’elle s’imaginait. Les deux ingrédients de base, soit l’eau et le sirop d’érable, sont difficiles à fermenter. Le premier ne possède pas assez de sucre et le second, le sirop, en contient trop.

Pour résoudre ce problème, les producteurs diluent le sirop dans l’eau, comme pour l’hydromel. Ils ajoutent ensuite des levures pour démarrer la fermentation.

Michaël Parent brassait de la bière avant de se lancer dans la production d’alcool d’érable. Il constate lui aussi que la fermentation de l’érable comporte plusieurs difficultés. « L’eau d’érable est neutre, dit-il. Il faut corriger l’acidité pour que ça ne soit pas plat en bouche. »

Pour ajouter du croquant, plusieurs boissons à l’érable sont fermentées avec des petits fruits, d’autres sont pétillantes.

LA GUERRE DU SUCRE

Si la fabrication d’alcool d’érable s’avère complexe, le véritable défi est de convaincre les consommateurs d’y goûter. Car le préjugé est tenace : tous croient que les boissons d’érable sont sucrées.

« Si tu dis érable, il y a une barrière psychologique qui se pose entre le consommateur et le produit. Les gens pensent au sucre. Ils s’imaginent en train de boire une canne de sirop. Pourtant, ce n’est pas le cas. »

— Stéphanie Viger, propriétaire du Domaine des Coulées

Malgré cette difficulté, la Régie des alcools du Québec (RACJ) constate une « certaine croissance » dans la production artisanale d’alcool à base d’érable. Vingt-trois entreprises sont en production et cinq ont déposé une demande de permis.

La production d’Alicia Goodhue est encore petite, mais les quelque 600 bouteilles de sa cuvée Erro trouvent rapidement preneur sur son site internet. Si bien que la productrice ajoutera 3000 entailles à sa récolte l’an prochain.

DEUX SUGGESTIONS

AVEC DES BULLES

Les bulles de ce mousseux à base d’érable sont abondantes et très fines. Rien de surprenant : la cuvée est élaborée selon la méthode traditionnelle, comme un champagne. Dans cette boisson rafraîchissante et tonique, le goût d’érable est subtil en finale et le tout est très sec. L’accord sera sublime à la cabane à sucre. Pour les plus audacieux, Michaël Parent produit également une cuvée inspirée des vins oxydatifs du Jura. Les parfums de noix et d’épices sont très complexes.

Mille bois, méthode traditionnelle, 12 %, 24,99 $

L’ÉRABLE EN AMPHORE

Le pari est audacieux, car la fermentation de l’érable est difficile, mais Stéphanie Viger, du Domaine des Coulées, utilise l’amphore pour élaborer une cuvée. Et comme c’est le cas avec le vin, ce contenant ne donne pas d’arômes à la boisson, mais il y ajoute de la profondeur. Dans le verre, les parfums d’érable sont bien présents. Ils se retrouvent en bouche, où la texture ample est soutenue par des arômes de fruits jaunes. Ce produit n’est pas tout à fait sec, mais l’équilibre est réussi. Sa cuvée aromatisée à la framboise, La rose des neiges, n’est pas offerte pour l’instant, mais elle vaut le détour.

Domaine des Coulées, Amphora, 13,5 %, 27 $

Rejoindre la conversation

MON PANIER 0

Domaine des coulées

Quelques renseignements vous concernant